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Qui Ça?

  • : Stipe se laisse pousser le blog
  • : Je m'étais juré sur la tête du premier venu que jamais, ô grand jamais je n'aurais mon propre blog. Dont acte. Bonne lecture et n'hésitez pas à me laisser des commentaires dithyrambiques ou sinon je tue un petit animal mignon.
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La cour des innocents

La Cour des Innocents - couv - vignette

Dates à venir

- samedi 2 août, en dédicace à la Librairie Montaigne (Bergerac) de 10h à 12h

- samedi 30 août, en dédicace à la Librairie du Hérisson (Egreville)

- dimanche 9 novembre, en dédicace au Grand Angle dans le cadre du salon Livres à Vous de Voiron.

2 juillet 2009 4 02 /07 /juillet /2009 10:50
"Papi, c'est vrai que t'as vu la bête ?
-  Qui t'a parlé de ça ?
-  Ben c'est depuis que le papy de Loïc il est mort, tout le monde à l'école et même dans le village parle que de ça : paraît que t'es le dernier survivant à avoir vu la bête.
-  Il en a de la chance le Bernard, il s'est enfin débarrassé de son cauchemar. Tu sais, depuis plus de quarante ans il ne se passe pas une nuit sans que j'y repense, sans que je me réveille en hurlant, tout transpiré de sueur. Aujourd'hui que je suis le dernier, je me dois sûrement d'un devoir de transmission.
Va dans le buffet, y'a une boîte en fer. Dedans y'a des biscuits, prends-en. Y'a aussi une bouteille d'Elixir des Frères Chartreux, dans un étui en bois. Ca faut 71°, tu tombes zinzin rien que d'en renifler. Tu m'en sers un plein verre et tu viens t'asseoir là. A toi, je vais te raconter.

Au début on a cru à un loup, ou plutôt à une meute de loups, vu le nombre de carcasses qu'on dénombrait chaque matin. On a vite oublié cette hypothèse quand on a retrouvé une quinzaine de vaches zigouillées dans leur étable, la porte ayant été forcée. Alors on a arrêté d'abattre les loups de la région et on a commencé à suspecter les ours. On a réussi à en supprimer quelques uns, mais ça continuait quand même. Et plus ça continuait, moins la culpabilité des ours semblait évidente. Surtout après qu'on ait retrouvé un cheval, la tête complètement aplatie, comme si on lui avait lâché une enclume dessus. On a tué le forgeron, plus par principe de précaution que par conviction, mais on commençait à trouver ça moche. Y'avait un cirque dans le village d'à côté. Y'a plein d'animaux d'ailleurs, d'hommes-monstres et de femmes-bizarroïdes. Du coup une nuit on a tout crâmé : le chapiteau, les cages avec les animaux dedans, les roulottes qui roupillaient encore. Mais ça ne s'est pas arrêté pour autant.

Le garde-forestier faisait la ronde en journée, un jour il nous a dit qu'il avait repéré des traces de pas dans le sol. D'une profondeur de 15 bons centimètres, il a dit. Quel putain d'animal pouvait être suffisamment lourd pour s'enfoncer de 15 centimètres dans le sol ? Le garde-forestier ne l'a jamais su, vu que deux jours plus tard on l'a retrouvé, en huit fois. Répandu sur 50 mètres, allez hop, négocié. J'aime autant te dire qu'on commençait sérieusement à pas faire les malins. On s'enfermait à plusieurs tours la nuit, chaque jour on retrouvait des cadavres, principalement du bétail, mais de plus en plus d'humains. Ecrabouillés, déchiquetés, dévorés, ...
Alors on a organisé la plus grande battue de la région. Tout ce que le coin comptait de mâles a été armé à la grenade et à la carabine à sangliers. C'est de la balle qui t'arrête sur place n'importe quel bestiau lancé  sur toi et le perfore de long en large.
On n'aimait pas utiliser ce mot, mais on l'appelait la bête. Et on était bien décidés à s'en débarrasser une bonne fois pour toute.
Dès le début de la battue, avec les gars de mon groupe on a pris un bon coup au moral : on a retrouvé un piège à loups, complètement aplati comme la tête du cheval, comme si un char était passé dessus. On s'est dit que la bête quand elle avait marché dessus, ça avait du lui faire la même sensation désagréable que le caillou dans la chaussure, pas plus. On a marché des heures, on entendait tirer et péter dans tous les sens, les gars étaient à cran et flinguaient à vue, mais toujours l'un des nôtres, jamais la bête.

Plus on s'enfonçait dans la forêt, plus on était désorganisés et moins on était groupés. A un moment je me suis retrouvé seul. Et là, j'ai vu un corps étendu par terre. Un corps énorme, un corps d'ours. Je me suis approché et me suis arrêté juste quand j'ai compris que l'ours n'avait plus de tête. Elle était trois mètres plus loin, je l'jure sur la tête du Général. J'ai même pas eu le temps de savoir comment il s'était fait trancher le cou que j'ai entendu des bruits derrière moi. Comme des arbres qui tombent. Me suis retourné, j'ai armé et pointé la carabine droit devant. Et j'ai attendu. Dans la pénombre, je voyais des arbres tomber, de plus en plus près. Puis comme un vrombissement de moteur, un truc qui ronronne mais pas pour te réclamer des croquettes. Ce bruit, ça m'a glacé les sangs. J'aurais pu tirer dans le tas, mais j'avais besoin de voir la bête. Alors les arbres ont cessé de tomber et le souffle de la bête m'a renvoyé son odeur, une odeur de mort. Une odeur de charnier, je l'jure que chaque jour de ma vie cette odeur me revient. Les sens ont la mémoire sélective, les miens ont conservé ce bruit, sourd et puissant, comme un avion à bas régime, je l'jure. Et puis cette odeur de cadavres décomposés, de sangs mélangés, de corps arrachés.
J'ai pas vu ses yeux. Du moins pas tout de suite. Pour ça, il a fallu que je lève le regard. A combien, trois mètres, quatre mètres de haut ? Deux yeux injectés de sang autant que de haine, qui regardaient nulle part et partout à la fois.
La bête, gamin, c'était la bête. Elle était là. Devant moi. J'étais seul face à ce monstre. Seul face à la bête...
-  Et alors, papi, t'as fait quoi ?
-  C'que j'ai fait ? Ben j'ai fait ce que n'importe qui aurait fait dans ce cas là : j'ai chié dans mon froc !!"
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commentaires

S
En fait, ça me fait penser à Lost. Tu sais, la colonne de fumée noire que les scénaristes ont collé au tout début de la série et qu'au bout de la 7° saison, tu sais toujours pas où c'est passé et ce que c'était... ce qui est fort dans l'écriture c'est cette joie sadique que l'auteur peut avoir à faire s'auto-détruire son texte. Merdre alors, père Ubu.
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S
<br /> je ne connais pas cette série.<br /> <br /> mais j'aime beaucoup ton analyse "ce qui est fort dans l'écriture c'est cette joie sadique que l'auteur peut avoir à faire s'auto-détruire son texte". Je ne l'avais pas vu sous cet angle, mais<br /> maintenant que tu le dis, je me rends compte que c'est effectivement ainsi que je l'ai écrit : en soignant particulièrement l'histoire pour mieux la casser à la fin.<br /> merci :)<br /> <br /> <br />
T
puant de vérité pas morne à lire OU fantastiquement odorifère (à cheval écrabouillé) ; tsi hi !<br /> <br /> on sent comme une influence pounesque dans le ton populeux... me trompé_je ?
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S
<br /> on a vu pire comme compliment, merci ;)<br /> (pas impossible qu'inconsciemment j'ai été influencé, mais si c'est le cas c'est à l'insu de mon plein second degré)<br /> <br /> <br />
S
C'est vrai ça! insurgeons-nous de conserve! sus à la chute scato, on veut la SUITE!<br /> la suitttttttttttttttttttttttttttte!!!!!!!
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S
<br /> je crois qu'à la fin ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants.<br /> <br /> <br />
M
Tu ne m'avais pas habitué à ce genre de frustration!
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S
<br /> mais enfin, tout le monde nous regarde !<br /> <br /> <br />
P
je la refais ?<br /> allez, je la refais : à chier ta chute.<br /> AAAAH AAAAH AAAAAAAAAAH !!!
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S
<br /> bon sang, tes blagues sont comme le hachis (et) parmentier, c'est encore meilleur réchauffé !!<br /> <br /> <br />