Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Qui Ça?

  • : Stipe se laisse pousser le blog
  • : Je m'étais juré sur la tête du premier venu que jamais, ô grand jamais je n'aurais mon propre blog. Dont acte. Bonne lecture et n'hésitez pas à me laisser des commentaires dithyrambiques ou sinon je tue un petit animal mignon.
  • Contact

La cour des innocents

La Cour des Innocents - couv - vignette

Dates à venir

- samedi 2 août, en dédicace à la Librairie Montaigne (Bergerac) de 10h à 12h

- samedi 30 août, en dédicace à la Librairie du Hérisson (Egreville)

- dimanche 9 novembre, en dédicace au Grand Angle dans le cadre du salon Livres à Vous de Voiron.

28 octobre 2009 3 28 /10 /octobre /2009 08:00
(ça a commencé ici)


Objectivement, non. Objectivement je m'en cognais les oreilles sur le rebord de la baignoire avec une pelle à neige. Mais professionnellement, ça ne se refuse pas. Le CV est convaincant, écoutons la lettre de motivation.
- Je vous écoute. Mais si on pouvait éviter les mensurations du bébé à la naissance, les premières dents, le premier vélo et en venir directement aux faits...
C'est vrai, quoi ! J'aime pas être gavé avant le dessert.
- Je me suis barrée de chez mes parents à 17 ans. Pas que j'en avais envie ou besoin. Je n'étais pas plus malheureuse qu'une autre, j'ai eu l'enfance normale d'une fille maltraitée : mon père me violait pour s'excuser de m'avoir cognée.
L'ado battue et violée par son père et qui se barre de chez ses parents, classique trajectoire de la fille qui finit pute et junkie. Ou femme à barbe, le cas échéant...
- J'étais juste en âge de fuguer et d'aller voir à quoi ça ressemble ailleurs, c'était la normalité. Je suis allée me planquer quelques temps à la campagne, chez une amie de collège. J'ai trouvé un job de serveuse dans le seul bistro du bled. Chaque jour quand le patron collait la une du journal local sur la porte, j'avais peur d'y lire un avis de recherche avec une photo de ma tronche. Crainte inutile, j'avais sept frères et sœurs et mes parents n'ont jamais été fortiches pour le recensement familial. De toute façon, je doute qu'ils aient un jour découvert qu'ils avaient une deuxième main leur permettant de compter jusqu'à plus de cinq.
- Vous êtes sûre que j'ai besoin de savoir tout ça ?
- Pas sûre, non, mais je vous le raconte quand même.
J'ai été dépucelée une seconde fois, par le frère de ma copine. Ça aussi c'était de mon âge. De temps en temps il m'offrait des cadeaux ou me donnait de l'argent pour m'acheter des robes au marché, et chaque fois je m'offrais à lui en retour. Ce n'était pas vraiment de la prostitution puisque de toute façon je l'aurais fait, ce garçon me plaisait. Mais c'était le moyen pour lui de garder ses distances et de ne pas me considérer comme sa régulière.
Ses potes me plaisaient un peu moins et ne m'offraient rien, eux. J'avais pas de raison valable pour coucher avec eux et pourtant ils me considéraient... comme une pute. Marrant, non ?
- Très. Ça me rappelle la blague de la prostituée qui trouve un préservatif dans un ascenseur. Vous la connaissez ?
- Oui. Les parents de ma copine n'ont jamais cherché à savoir pourquoi j'étais partie de chez moi. Je leur donnais de l'argent par principe, histoire de garder moi aussi mon indépendance.
La suite, on pouvait parier dessus : elle en a eu marre de se faire pincer les fesses par les alcoolos du bar, alors le jour où y'en a un qui s'est retrouvé seul avec elle et qui s'est montré un peu trop entreprenant, ben elle lui a cassé une bouteille sur la tête. Le gars a saigné comme un cochon et l'a traitée de salope avant de mourir, parce qu'il faut bien dire quelque chose. Puis elle a encore pris la fuite, s'est laissée pousser la barbe et, euh... Mouais, le mieux c'était encore de la laisser finir son histoire.
- Un jour, la fête foraine s'est installée sur la place du pays. Avec ma copine on a passé notre temps à zoner l'endroit, à draguer les éphémères. On est allées à cet entre-sort pour oublier que finalement on s'emmerdait. Le patron nous a laissées entrer gratuitement, en échange on devait seulement repasser le soir à la fermeture. J'avais l'habitude de devoir coucher pour avoir des trucs à l'œil donc on a promis de revenir le soir et on est entrées. On s'est marrées devant tout ce grotesque, devant ces faux monstres fabriqués de toute pièce pour satisfaire le besoin de sensationnel du badaud.
Quand tous les flonflons ont eu éteint leurs klaxons, on est retournées voir le patron. En fait il voulait même pas coucher avec nous, il voulait nous parler. Il nous a expliqué qu'il recherchait une jeune fille pour remplacer une des sœurs siamoises vu qu'elle s'était disputée avec sa moitié. Bien sûr, ma copine avait autant de bonnes raisons de refuser que moi d'accepter. Donc elle a refusé. Et moi j'ai accepté. J'ai fait mon baluchon et suis partie avec les forains dès le lendemain...

Pour la première fois depuis ma rencontre avec ses pieds, elle paraissait moins assurée. La nostalgie y était sûrement pour beaucoup, on ne parvient jamais à parler du bon vieux temps sans aller perdre son regard dans le vide, comme pour mieux se faire défiler les diapos devant les yeux. Je sentais bien qu'on était partis pour une longue histoire avec des beaux moments, des moins beaux, des malheurs, de l'amour, de la trahison, peut-être du sexe, je dis pas non.
Je dois avouer que je suis pas friand des confidences compartimentalistes, passez-moi l'expression. J'ai une réputation de solitaire à faire valoir, elle est marrante elle ! Mais je suis un pro, et je savais que les confidences sont la base du succès. C'est parce qu'on les écoute que les gens parlent, pas l'inverse.
- ... et malgré ça je me faisais plutôt bien à cette nouvelle vie.
Mince, je parle trop, j'ai raté un bout.
- Faut savoir que parmi tous ces monstres, parce qu'on en porte le titre honorifique, y'a pas que du trafiqué. La femme araignée en était une, de bricolée. Elle faisait dépasser sa tête dans un décor réaliste et arachnomachin. L'illusion était bonne. Les sœurs siamoises c'en était aussi du bidon. Avec ma comparse on se vêtait d'une grande robe de laquelle on ne laissait émerger que nos deux têtes, un bras et une jambe chacune, et hop on était crédibles.
Mais le géant, l'homme le plus gros du monde, l'homme-tronc, le mangeur de ferraille, tous ceux là étaient vrais. Tout au plus on exagérait leurs mensurations pour les uns, on insistait sur le caractère exceptionnel pour les autres. Le géant affichait trente bons centimètres de plus que ses vrais deux mètres, l'homme le plus gros du monde ne pesait pas plus de cent soixante dix kilos. Mais derrière une vitre légèrement grossissante et dans des vêtements trop petits pour lui on pouvait y croire. L'homme-tronc était réellement cul-de-jatte, ça existe. Il cachait ses bras dans sa chemise et il n'était plus un simple handicapé mais un phénomène flippant. Le mangeur de ferraille y parvenait, à en bouffer, même s'il se nourrissait allégrement comme un omnivore. Juste qu'il avait un estomac lui permettant d'avaler une télé, avec la télécommande plus tard.
Tous autant qu'on était, on n'avait pas vraiment l'impression d'être des monstres, même une fois exposés derrière une vitrine et avec des gens qui vous regardent horrifiés, dégoûtés ou amusés. On ne se considérait pas comme des trucs horribles, non. Tout au plus des intrus. Mais ce qui donnait réellement l'impression d'être des phénomènes et des curiosités c'était surtout le fait de devoir rester cachés toute la semaine.
Vous savez, à l'époque lorsque la fête foraine s'installait dans un village, c'était l'événement de l'année.
- C'était dans l'temps, comme vous dites. Aujourd'hui ils sont plutôt reçus à coups de jets de pierres et de crachats, mais ça c'est sûrement une autre discussion.
- Sûrement, mais au temps que j'vous parle on était accueillis comme des messies. Toute la semaine, pendant que les forains s'installaient et montaient leurs attractions, les gens nous apportaient des paniers de légumes, des poules (sûrement pour  nous éviter qu'on aille se servir nous-mêmes), on nous payait à boire et on nous donnait du courant. Les hommes venaient proposer leur aide et les enfants venaient sitôt l'école finie pour voir l'envers du décor. Et notre camion sur lequel étaient peints les monstres suscitait toutes leurs convoitises.


Partager cet article
Repost0

commentaires

M
<br /> Ca en fait des péripéties!<br /> <br /> <br />
Répondre
T
<br /> "C'est parce qu'on les écoute que les gens parlent, pas l'inverse." Faut vraiment que j'arrive à écrire plus vite que toi, bordel !<br /> <br /> <br />
Répondre
S
<br /> de savoir que j'ai écrit un truc que t'aurais pu et aimé écrire, n'en rajoute pas, tu me combles !<br /> <br /> <br />
E
<br /> ça voltige pas mal autour du pot<br /> <br /> <br />
Répondre
B
<br /> Ah du grand Stipe!!!! Que va-t-il arriver? Vous le saurez au prochaine épisode!<br /> (sinon, c'est quoi la blague du préso dans l'ascenseur?!)<br /> <br /> <br />
Répondre
S
<br /> ben je la connais pas, et on la connaitra jamais à cause de l'autre pétasse !<br /> <br /> <br />
L
<br /> la suite, vite !! c'est donc ça que tu faisais depuis tout ce temps, un truc long et à suspens ... tu connais Emilie Loizeau ? elle a fait une chanson comme ça sur une femme à barbe, qui pissait<br /> dans le caniveau, la classe quoi<br /> <br /> <br />
Répondre
S
<br /> La femme-oiseau je connaissais pas, mais j'ai bien connu Brigitte la femme-fontaine. Elle faisait aussi dans le caniveau... depuis son balcon.<br /> <br /> <br />