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Qui Ça?

  • : Stipe se laisse pousser le blog
  • : Je m'étais juré sur la tête du premier venu que jamais, ô grand jamais je n'aurais mon propre blog. Dont acte. Bonne lecture et n'hésitez pas à me laisser des commentaires dithyrambiques ou sinon je tue un petit animal mignon.
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La cour des innocents

La Cour des Innocents - couv - vignette

Dates à venir

- samedi 2 août, en dédicace à la Librairie Montaigne (Bergerac) de 10h à 12h

- samedi 30 août, en dédicace à la Librairie du Hérisson (Egreville)

- dimanche 9 novembre, en dédicace au Grand Angle dans le cadre du salon Livres à Vous de Voiron.

27 octobre 2009 2 27 /10 /octobre /2009 10:29
Parce qu'over-blog nous limite sur la taille des articles, désolé de vous l'imposer mais cette nouvelle sera publiée en 5 épisodes. Bisous.


La dame d'un certain âge qui lit France-Soir dans un coin du compartiment est une dame comme toutes les dames d'un certain âge à l'exception toutefois qu'elle porte des chaussures d'homme...
Tout a commencé sur cette simple réflexion : "elle porte des chaussures d'homme".
La déformation professionnelle fit aussitôt d'elle le suspect numéro un d'une sordide histoire de meurtre dont je n'avais pas encore la connaissance. J'essayais de visualiser mentalement les coupures de journaux que je thésaurisais dans un classeur intitulé "Crimes en tous genres", au souvenir d'un homme retrouvé découpé en rondelles et dont la femme avait disparu depuis, en emportant les chaussures du mari si possible. Il y avait bien eu ce type découvert en six fois dans son jardin mais un crétin avait rapidement avoué être le coupable. Je me demandais ce qu'il était advenu de la femme de ce bonhomme là, découvert nu avec sa clarinette enfoncée dans l'orbite. Mais il me semble qu'elle s'était pendue de chagrin, cette insolente.
Et le gugusse dont les entrailles étalées sur...

- Vous en connaissez beaucoup, vous, des magasins qui vendent des chaussures de femme pointure quarante-trois ?
- Hein ?
Elle répéta sa question. Je ne pouvais feindre la surdité une seconde fois pour essayer de gagner du temps.
Je tentai de m'excuser, à quelques balbutiements près :

- Excusez-moi Madame, je ne voulais pas paraître indiscret...
- Ah ben c'est plutôt raté sur toute la longueur, ça fait cinq minutes que vous matez mes pieds comme s'ils avaient une tête d'assassin. Je vous avouerais que j'en ai connu des plus vifs d'esprit pour constater que je chaussais des péniches !

Je ne me suis même pas présenté, mais c'est pas comme si ça comptait vraiment. Qui je suis à moins d'importance que ce que je suis.
Mon bureau de privé - car j'en suis un, vous aviez sûrement déjà pigé - est dans le huitième. Je l'ai ouvert il y a quelques années, après que je me suis cru capable d'allier mes qualités d'homme à mes fantasmes de môme. On fait ce métier pour enquêter sur des histoires sordides de meurtres de bonshommes retrouvés découpés en rondelles, mais au final on se retrouve à filer des femmes infidèles trompant des hommes jusqu'au découvert bancaire. Ma clientèle c'est comme qui dirait les maris cocus.

En général j'ai de la répartie, ça fait partie du personnage. La femme infidèle est belle mais frondeuse, alors je lui sors du spirituel.
Mais il est évident que cette dame là avait déjà pris les devants et que je n'étais pas habitué à ça.

- Ça fait une minute trente que vous êtes...
- Quoi ?
- Oui, coi.
Cette bonne femme avait le bagout de certains, et je parle du genre de certains peu recommandables. Elle me plaisait déjà, j'avais rien contre lui faire la discussion. Pis c'est un peu mon métier de faire parler les gens qu'ont pas envie de se taire.

On croit souvent que le détective est un type intelligent qui a des indices à chaque coin de neurone. Il a surtout des indics à chaque coin de rue. Mon intelligence je l'utilise au moment de choisir quelle clé insérer dans la serrure de ma bagnole. Ou pour élaborer les bobards qui feront que mon client crachera quelques billets supplémentaires pour obtenir des renseignements que je saurai inventer. Mais pour mes enquêtes je me contente de regarder et d'écouter. Et d'aller coller mon nez dans les affaires des autres, surtout quand elles sont sales et portées par une femme infidèle, mais ça je vous en ai déjà parlé je crois.
La littérature anglaise du siècle passé autant que les séries américaines nous ont fait pas mal de tort. Les gens nous voient comme des inspecteurs de police évolués, alors que l'imper ça fait naze. Heureusement certains ont lu Lawrence Block et nous imaginent en grands bruns ténébreux et en alcooliques patentés du tout.
La vérité est moins folichonne. J'dis pas ça pour moi qui suis brun et porté sur le goulot, mais j'ai des confrères moches et qui ne fument même pas.
Et en parlant de brebis galeuses, revenons à nos moutons...

Je repris la discussion là où je ne l'avais pas finie :

- J'ai connu une femme qui mesurait un mètre quatre-vingt-quinze, elle avait aussi les pires difficultés à remplir sa garde-robe.
C'est même pas vrai, j'ai jamais connu de girafe, mais si vous aviez mieux à proposer pour garder un semblant de face, fallait le dire.
- Vous l'avez sûrement rencontrée dans une fête foraine...
Pourquoi elle me dit ça ?
- Pourquoi vous me dites ça ?
- Parce que ce genre de curiosités fait carrière dans les attrape-couillons sur les foires. La femme-girafe, l'homme-tronc, les siamois unijambistes, ... On les entasse dans une baraque foraine, un entre-sort qu'on appelle ça. Et vous savez pourquoi on appelle ça comme ça ?
Oui, je le savais. Mais elle ? Je suis un putain de privé, alors j'ai tenté le bluff.
- Non, j'en sais rien...
- Parce qu'on ne fait rien d'autre qu'y entrer et en sortir. Et entre les deux, une succession de supercheries, d'humains bidouillés, d'animaux traficotés, de monstres en-carton-pâtés, de difformités exagérées. Le vrai phénomène c'est le gogo qui vient de lâcher son fric en croyant voir la version colorisée de Freaks.
- Vous avez l'air de maîtriser le sujet ?
- Oui, j'y étais la femme à barbe.
Je l'observai à nouveau avec gêne : sa peau présentait en effet la netteté pilaire d'un visage rasé de près. La boulette.

- Excusez-moi, je ne savais pas...
- Normal, une femme à barbe sans sa barbe, c'est une femme.
- Comme une chauve-souris avec des cheveux, c'est une souris.
Ça y est, j'avais repris du poil de la bête ! Enfin, façon de parler...
- Mais du coup, rasée vous...
- Je ?
- Enfin c'est comme un abandon de poste, non ?
- D'une certaine manière, c'en est un. J'ai arrêté d'être un monstre qu'on expose. Mais ai-je arrêté d'être un monstre pour autant ?
That is the question, même si je ne la comprenais pas vraiment.
- Si vous pouviez me donner quelques indices, je pourrais peut-être vous répondre...
- Ça risque d'être très long et je crains pour ça d'avoir à vous raconter ma vie.
- A ce point ?
- J'aimerais pas être jugée à l'emporte-pièce et je veux m'assurer que vous possédez bien tous les tenants et aboutissants pour répondre. Alors vous prenez le risque?


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commentaires

S
<br /> "La femme infidèle est belle, mais frondeuse...", m'amuse... le reste,je m'y suis déjà attachée, pointure 43, pas aisé si elle veut porter des Louboutin, mais cessons ces enfantillages... la<br /> suite!!<br /> <br /> <br />
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S
<br /> moi aussi ça m'amuse, va comprendre...<br /> <br /> oui, c'est sûr que Caterpillar serait plus adapté à la situation.<br /> <br /> <br />
E
<br /> je disais donc qu'en prose tu étais poète.<br /> je passe au 2.<br /> <br /> <br />
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S
<br /> écrire en prose, à quoi ça rime ?<br /> <br /> <br />
B
<br /> Ah oui je prends le risque! La suite, la suite! Ah c'est plus haut... j'y cours!<br /> <br /> <br />
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S
<br /> pas trop vite, y'a beaucoup d'étapes avant la fin...<br /> <br /> <br />
M
<br /> On trouve dans ton texte encore beaucoup de perles de cultures!<br /> <br /> <br />
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S
<br /> même réponse qu'au dessus, hé hé !<br /> <br /> <br />
M
<br /> De l'art d'enfiler les perles (à rebours bien sûr). On attend de voir qui va les porter en sautoir.<br /> <br /> <br />
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S
<br /> la femme-huître ?<br /> <br /> <br />