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Qui Ça?

  • : Stipe se laisse pousser le blog
  • : Je m'étais juré sur la tête du premier venu que jamais, ô grand jamais je n'aurais mon propre blog. Dont acte. Bonne lecture et n'hésitez pas à me laisser des commentaires dithyrambiques ou sinon je tue un petit animal mignon.
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La cour des innocents

La Cour des Innocents - couv - vignette

Dates à venir

- samedi 2 août, en dédicace à la Librairie Montaigne (Bergerac) de 10h à 12h

- samedi 30 août, en dédicace à la Librairie du Hérisson (Egreville)

- dimanche 9 novembre, en dédicace au Grand Angle dans le cadre du salon Livres à Vous de Voiron.

10 février 2010 3 10 /02 /février /2010 06:00


(le début est par ici)



La patronne m'a effectivement offert le p'tit blanc, j'ai dit que je venais de la part d'un gars qui m'a indiqué la route, il semblerait que ce sésame lui ait suffit. Elle m'a ensuite fait visiter ma chambre. Spacieuse et soignée, la vue sur les vignes et sur les reliefs bourguignons me garantit le dépaysement. Le repas qui suit est fidèle à la réputation gastronomique que l'on prête à cette région, le rouge qu'elle me sert n'a pas eu le temps de connaître les faveurs du tire-bouchon de Q. Elle a dégainé le sien de la poche de son tablier avant que j'ai eu fini de lire le vignoble sur l'étiquette. Superbe modèle d'ingéniosité, le sien, un De Gaulle qui lève les bras en s'enfonçant dans le bouchon, qu'elle extrait en les rabattant d'un coup sec dans un "ploc" prometteur.
L'endroit me paraît mieux qu'un moindre mal pour cautionner mon séjour. Et en plus, elle prend les tickets restos. Je profite de cet élan d'optimisme pour m'adresser à la tenancière du lieu :
-  Dites voir, patronne, sauriez-vous m'indiquer un lieu de distraction où je pourrais mettre à profit mon ébriété naissante et tuer mon précieux temps à coups d'occupation divertissante ?
-  Elle a rien compris.
-  Quand vous voulez vous amuser, vous autres, comment vous vous y prenez ? Tel est le but de ma question.
-  Ben en journée y'a bien la machine à trancher le jambon chez le charcutier. Mais il doit être fermé à c't'heure. Pis sinon y'a la télé.
-  ...
-  Et pourquoi il irait pas faire un tour de solex sans casque ? C'est divertant, ça !
-  On m'a conseillé le Bar des Sports. 
-  Ah, ce genre d'amusement de la jeunesse. Ça, pour sûr qu'y a pas de billard électrique dans mon établissement. Bon alors pour y aller, c'est simple : c'est pas compliqué. Y'a juste qu'à faire le même chemin que pour venir ici, mais à reculons.
-  Merci brave dame, à demain.
-  Bonne soirée, Monsieur Bond.
-  Une dernière chose, vous pourriez m'appeler un taxi ?
-  On se connaît pas assez pour ça, je préfère continuer à vous appeler Monsieur Bond.
Je la laisse à son propos et vais appeler moi-même le taxi. Je l'entends parler discrètement au téléphone, je parierais qu'elle fait part de ma prochaine étape. Les moyens de communication semblent fonctionner à merveille dès lors qu'il s'agit de colporter.

Dix minutes après. Une voiture fait crisser les graviers. La portière arrière s'ouvre et m'invite à pénétrer dans la limousine aux vitres fumées. L'intérieur est en cuir et une vitre me sépare du chauffeur, sûrement pour éviter au client de lui jeter des cacahuètes. Je perçois le claquement des portières qui se verrouillent puis un pshittt de mauvais augure. Et l'intérieur devient comme les vitres : fumée.
Quand je sors de mon roupillon quelques heures plus tard, au moins une semaine s'est écoulée. Une terrible migraine semble avoir établi son nid dans le coton de mon cerveau. Je passe machinalement ma main sur mon cuir chevelu et évalue la taille de la bosse qui a poussé. Joli coup.
Je jette un œil torve alentour. La décoration est sommaire : une porte et un malabar de type local qui me tient en respect avec un fusil de chasse. Je prends l'initiative des présentations.
-  Bonjour mon brave. My name is Bond, James Bond.
-  Pas moi. Si il fait le moindre geste, j'le dégomme comme un sanglier.
-  Je vais réfléchir à votre proposition...
Le gaz soporifique n'a pas totalement dissipé ses volutes et je sens que je vais avoir du mal à compter sur moi-même pour tenter de me tirer de ce sale pas. Je suis forcément moins alerte quand j'ai le cerveau fracassé.
-  Dites, la bosse c'était obligatoire ?
-  Non.
Le costaud a l'air aussi avenant qu'une infection ovarienne chez la guenon. Il a les épaules plus larges qu'un meuble de brocante franc-comtoise. Alors autant dire que le fusil relève plus du gadget que de l'arme de dissuasion. Il sort un téléphone portable d'une de ses poches garde-manger, et compose un numéro avec toute la facilité que lui propose la combinaison d'une mémoire de poisson rouge alzheimer et de la dextérité digitale d'un éléphant de mer portant des moufles. J'ai tout le loisir de noter le numéro qu'il appelle. Ça décroche, il cause.
-  Patronne ?
-  ...
-  Ben la patronne, quoi ?
-  ...
-  Ah ben j'ai du me tromper d'erreur de numéro. Désolé de vous avoir causé du dérangement.
Il raccroche en broyant la moitié des touches du clavier et observe l'écran du téléphone avec l'air le plus perplexe du monde, semblant chercher la raison pour laquelle la technologie moderne lui a joué un tour de cochon. Je profite de cet instant d'intense réflexion pour chiffonner le morceau de papier dans mon cerveau sur lequel j'avais griffonné le numéro, et lui balance la boulette au visage. C'est une image, mais qui fait du bien.
Mon rude bonhomme pose alors son fusil contre le mur et sort par la porte. Celle-ci semble donner sur une chambre, d'où j'entends voler des noms de volatiles obèses, le gaillard d'avant se fait rebaptiser par une voix de baryton triple alto.
Quand il finit par revenir, il est accompagné d'une espèce de bonne femme maquillée comme une pute volée. Et moi je suis accompagné du fusil. Je lui lance, perfide :
-  Alors Dugenou, qui c'est qui a une tête de sanglier, hein ?
Je vais pour enchaîner avec une allusion sur sa tête de phacochère, mais faisant fi de ma menace et de mon cynisme, le belliqueux s'approche de moi avec ce qu'il a de plus nonchalant dans la démarche. Je riposte à sa bravade par une pression sur la détente du fusil, mais celle-ci ne renvoie que le cliquetis significatif du fusil chargé à vide. Et c'est d'un bourre-pif chargé à l'acier qu'il punit mon impétueuse initiative. Je repense au sanglier et à son groin écrabouillé et je me prends déjà de nostalgie pour feue la symétrie de mon nez.
Mon bourreau me sort de mes considérations philosophiques en m'attrapant l'oreille à pleine main. Il me relève ainsi, me dépoussière les vêtements avec toute la préciosité qui l'habite puis se crache dans la paume et me passe la main dans les cheveux pour me coiffer une raie sur le côté.
-  Faut être présentab', quand c'est qu'on doit causer à une dame du monde.
Ce type avait du être poète-cariste il y a plusieurs vies de ça. Il me présente devant la bonne femme, ou tout comme. Elle prend la parole, je la lui laisse.
-  Paraît que vous êtes James Bond ? Paraît que vous me cherchez ?
-  Pourquoi, vous êtes un billard électrique ?
Le gaillard salue ma répartie d'un second coup de poing sur ce qui me reste de pif. Je veux lui signaler son manque d'originalité mais ne parvient qu'à balbutier que quelques bulles de sang. La grosse moche reprend la discussion et donne à nouveau dans la devinette :
-  Vous voyez toujours pas qui je suis ?
J'hausse les épaules, genre "ça dépend". Le malabar bourguignon incite à la pondération.
Elle continue à m'imposer son monologue :
-  Madame Solange, ça vous cause ?
Haussement d'épaules. "Ça dépend".
-  C'est peut-être pas le genre d'ébats auxquels vous vous attendiez. Mais j'aime pas trop qu'on vienne foutre son nez dans mes affaires !
Paradoxal, pour une ancienne putain. Et puis de toute façon, vu ce qu'il en reste, de mon nez, elle ne risque pas grand-chose...
-  C'que vous cherchez, c'est moi qui l'aie. Me demandez pas pourquoi ni comment, c'est une longue histoire et je préfère garder ma salive pour vous cracher dessus.
Charmante attention. En même temps, si elle balance le nom du coupable dès le début du film, va falloir meubler pour la suite.
Elle demande à Jean-Claude, c'est le prénom du comique-troupier, d'appeler les autres. Et arrive alors une dizaine de Jean-Claude avec des fusils, des fourches, des barres à mine et toute la panoplie du parfait quincailler-tripier. C'est les autres.
-  Je suppose qu'il est inutile que je vous fasse un dessin ? Au revoir, Monsieur Bond...
Dommage pour le dessin, j'aurais pu lui proposer mon stylo quatre couleurs. Elle sort et me laisse en tête à têtes avec les chewing-gums. Je pense qu'en toute objectivité, je suis dans le pétrin.

-  Coupez !!
Le metteur en scène fait son apparition avec fracas, il brandit les poings au ciel et fulmine comme un pompier
-  Ça va pas du tout du tout, là !! Ils vont tout me bousiller mon gars, les bouseux ! C'est que j'en ai encore besoin de mon héros, moi ! Bon James, mouche ton sang et ravale tes dents, on se tire...

J'ai quand même gardé ma chambre pour une semaine supplémentaire. J'aime bien leur pinard.


Fin




ron.jpg

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commentaires

S
<br /> Hero indeed! Mr Bond!<br /> <br /> <br />
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J
<br /> Eh l'autre ! Il va dire que c'est de ma faute s'il balance du moustachu sur son blog, maintenant !<br /> <br /> Assume.<br /> <br /> <br />
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J
<br /> James se débonde ?<br /> <br /> <br />
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S
<br /> t'as remarqué la photo mise exprès pour toi, rapport à ton comm et à ma réponse d'hier ?<br /> <br /> <br />
M
<br /> Ah bon, je trouvais plutôt que tu ressemblais à Jean-Pierre Pernault jeune...<br /> <br /> <br />
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M
<br /> ah ben moi je l'aime bien le mec avec la moquette posé sous le perf...<br /> <br /> <br />
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S
<br /> ah mais toi j'étais sûr que tu le reconnaitrais...<br /> et c'était avant tout pour rebondir sur ma réponse d'hier au comm de Jérôme !p<br /> <br /> <br />