1 mars 2010
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Incroyable histoire qu'est celle de ma vie, que je vous raconte à mon tour. Les histoires survivent dans le récit. Autrement, autant se taire que de ne rien écouter. Combien je sais déjà que vous hausserez les épaules et biaiserez du regard, dubitatifs. Poufferez, donnerez dans l'onomatopée courroucée, surpris peut-être. Et pourtant.
Tout a commencé au début, dans l'ordre des choses. C'est à la fin, vous verrez, que je perds un peu la tourneboule à cause de la vache qui parle, mais au début non. Non, au début j'étais simplement en vacances chez mon ami Gabon qui, malgré son prénom, n'était pas un pays mais un ami chez qui j'étais en vacances. A la campagne et française. L'Afrique ? Pfftt, jamais vu. Or donc, Gabon peignait. Enfin, je crois. Ou il photographiait des photos, non ? Mince... Enfin, il faisait un truc, ça je m'en rappelle, artistique. Et sa matière préférée était la vache, puisqu'il en est question. Au début c'est déjà pas mal, n'est-il ?
Gabon regardait donc des vaches, mais quand on me l'a raconté c'était mieux dit, genre "mon ami s'adonnait à la contemplation bovine". Notez bien que moi, je n'étais qu'invité alors je n'osais trop rien dire, et le serveur me fit goûter d'un Crozes-Hermitage qui était bien plus tannique que le second. Pendant ce temps, Gabon m'avait parlé d'une vache qui avait retenu toute mon attention et qui s'appelait Olga, je le sais car son nom est revenu plus tard dans l'histoire mais la première fois j'avais raté à cause du Crozes-Hermitage qui était plus tannique que le second.
La vache en question avait de cet air que toutes les vaches ont à revendre, sauf que nonobstant, celle-ci avait un regard hypnotique à vous endormir les pierres un soir de pleine Lune. Un téléphone sonna, la personne ne décrocha pas mais le téléphone tinta d'une différente sonnerie, signalant au non-décrocheur qu'on lui avait laissé un message, du coup. Le lendemain, je me rendis au pré pour revoir Olga et là j'ai commencé à avoir un premier coup de mou : j'ai regardé ma montre, tenté de bailler discrètement mais tu parles, on a toujours une tronche de con visible à des kilomètres à la ronde quand on retient un bâillement, on a les yeux qui pleurent et d'autres particularités faites du même bois de tonneau.
Et à un moment donné, Olga se met à me parler. Là ça pouffe poliment parce qu'une vache qui parle, quand même, bon. S'en suivent des lettres à mes amis, qui commencent à me prendre pour fou. Des questionnements métaphysiques, forcément, qui blanchissent mes nuits. Le serveur qui me demande pour le Crozes, je ne lui dis pas qu'il est plus tannique que le second car je ne savais pas encore. Gabon s'absente quelque temps, je ne me souviens plus pourquoi et je crois que je commence à m'en foutre. Et quand je reviens d'être allé pisser, Olga a emménagé avec moi à Paris.
Rémi, ou un autre prénom mais pas de pays, ça j'en suis sûr, celui qui veut monter la pièce de théâtre avec Olga, me rappelle pour les répétitions mais j'y comprends rien, pour être franc.
Ça commence pas à être un peu long ? Si, hein ?
Véronique prend son rôle très à cœur, mais y'a des hauts et des bas. Je ne sais pas qui est Véronique. Olga parle de mieux en mieux. Ma pensée vagabonde pas mal, je me cure le nez, regarde l'heure qui en est à 3 minutes de plus que la dernière fois, et quand je reprends mes esprits, ben je suis en train d'errer dans Paris, à moitié fou. A un moment donné, après des hauts plutôt bas, je dis "Je t'aime" à Olga. La vache qui parle. Je me retrouve avec une corne sciée dans la main. Mais pas une à Olga. Non, "d'Olga". A cause du gérondif qui fait qu'on dit "la bite de Dudule". Je me demande si y'en a encore pour longtemps de ces conneries, parce que là vraiment je commence à être complètement paumé dans l'histoire de ma vie, quand soudainement, coup de théâtre ! J'abats Olga d'un coup de fusil dans sa tronche de grosse vache, pan ! Et je m'assois contre un arbre, et c'est fini.
Voilà, c'était la longue histoire de ma vie telle qu'on me l'a racontée. Ou plutôt telle que je vous raconte qu'on me l'a longuement racontée, dans ce bar.
Enfin, vous me comprenez, quoi ?