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Qui Ça?

  • : Stipe se laisse pousser le blog
  • : Je m'étais juré sur la tête du premier venu que jamais, ô grand jamais je n'aurais mon propre blog. Dont acte. Bonne lecture et n'hésitez pas à me laisser des commentaires dithyrambiques ou sinon je tue un petit animal mignon.
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La cour des innocents

La Cour des Innocents - couv - vignette

Dates à venir

- samedi 2 août, en dédicace à la Librairie Montaigne (Bergerac) de 10h à 12h

- samedi 30 août, en dédicace à la Librairie du Hérisson (Egreville)

- dimanche 9 novembre, en dédicace au Grand Angle dans le cadre du salon Livres à Vous de Voiron.

23 février 2010 2 23 /02 /février /2010 00:01



L'objet gisait au milieu du sentier, parfaitement insolite dans ce cadre bucolique...
Les types du labo étaient déjà en train d'étaler leur poudre de perlimpinpin pour relever les empreintes. A mon arrivée ils se relevèrent pour me saluer et s'écartèrent pour mieux me laisser visualiser l'horreur de la scène : une canette de Coca narguait toutes les lois de la société en s'affichant fièrement vautrée au milieu de ce décor champêtre. Je détournai mes yeux de cette ignominie et regardai alentour. Il y avait un ruisseau qui courait au milieu des herbes sauvages, des fleurs dont une légère brise froissait les pétales, ici une famille de lapins gambadait et semblait profiter, insouciante, des rayons du soleil qui dardaient à travers les feuilles des arbres multi-centenaires. Le photographe de la Scientifique prenait des photos de l'arme du crime et des environs. Je lui fis un signe de tête approbatif et il introduisit précautionneusement la canette dans un sac hermétique qu'il tenait à bout de bras, cherchant à se tenir le plus éloigné possible de l'infâme objet. Au sol, l'humus était souillé d'une coulée sucrée et brunâtre. J'en avais assez vu pour le moment, je m'éloignai en réprimant un haut-le-cœur. C'était une sale affaire qui m'attendait là. Même une putain de sale affaire, comme on dit dans le métier.


Au fait, je me présente, je suis l'inspecteur Pif Lechien. Vous me connaissez sûrement  déjà, faut dire que je me suis fait un petit nom dans le cercle fermé de la résolution de sales affaires en tous genres. Mais c'était surtout à l'époque, ça. Au temps où l'on tuait pour de la dope, pour une bagnole, pour une histoire d'amour ou de hors-jeu. Et ce temps là est révolu. Les gouvernements se sont succédés et tous ont accentué l'esprit sécuritaire. Aujourd'hui, quand on se saisit d'un couteau pour étaler le beurre sur sa biscotte, la CIA est au courant. Il y a toujours des guerres, histoire de perpétuer la tradition, mais c'est sérieusement encadré, des arbitres surveillent tout ça avec une grande attention et on n'est autorisé à tirer sur un ennemi que si l'on a rempli le bon formulaire et qu'on a juré sur le Vidal qu'il n'y avait aucune mauvaise intention dans ce geste, mais seulement le besoin de tuer au nom d'une cause qui sera débattue plus tard par les chefs d'états. Du coup on en a oublié de défendre d'autres thèmes qui semblaient plus nobles : l'écologie, la santé, l'éducation, ... Les hommes sont devenus autodidactes, l'automédication a remplacé la médecine traditionnelle. Et depuis que le climat est définitivement bousillé, la conscience verte est devenue un sujet prioritaire.
C'est dans ce contexte tumultueux qu'un extrémiste a été élu à la tête de notre pays. Un contemplatif qui a instauré des règles drastiques en matière d'écologie. Même pisser contre un arbre est devenu passible de sanctions. Chaque citoyen est contraint d'aimer son prochain, et même celui d'après. Et personne n'y trouve à redire car chacun devine bien que c'est dans l'intérêt général. Pour ces mêmes raisons, nous sommes tenus de sentir des fleurs au moins cinq fois par jour, de déclamer quotidiennement deux alexandrins, de caresser un chat, d'aider un aveugle à traverser la rue, etc.
La vie est tellement plus belle ainsi, si vous saviez...

Tout cela n'empêche pas l'Homme d'être fou. Ainsi, il arrive parfois qu'un égaré jette un emballage plastique dans la poubelle classique ou ne daigne pas saluer son voisin. L'information est aussitôt relayée par satellite aux autorités et le contrevenant est condamné à une peine pouvant aller des travaux d'intérêt général (toilettage pour chien, aquarelle pour vieilles) à des peines plus graves comme l'isolement en hutte de paille. Mais jeter une canette de coca dans un cadre bucolique, cela relève du génocide et est puni comme un crime de guerre. C'est vous dire si c'est une sale affaire.


Hercule Poireau, mon fidèle assesseur, me rejoint. A son visage crispé, je devine qu'il est aussi affecté que moi par cette découverte. Nous nous embrassons, il m'offre un bouquet de fleurs.
-  Bonjour Inspecteur, vous voir me comble de bonheur.
-  Salut Poireau, vous êtes beau. Sale affaire, voyez-vous. Mettez nos meilleurs éléments sur le coup.
-  On a déjà fait venir un artiste de Paris. Un esthète, on lui a donné une heure pour exprimer sa poésie.
-  Comme vous êtes bon... Et quelles sont ses conclusions ?
-  Il a déjà rempli trois pages d'alexandrins et peint deux natures mortes au fusain. Son jugement est catégorique : on a bel et bien affaire à un cadre bucolique.
-  J'en étais sûr. Et concernant l'ordure ?
-  Il s'agit bien d'un objet gisant de type canette de coca. Et le relevé des empreintes digitales a révélé des traces de doigts.
-  L'Homme cessera-t-il d'être Homme lorsqu'il aura trouvé la raison ? Tiens, notez dans votre carnet à spirales cette réflexion. A-t-on des témoins ? Ou des gens qui ont vu la scène, même de loin ?
-  Il y avait seulement un vieillard. Il donnait à manger aux canards.
-  Bon, allez m'interroger les volatiles. Et envoyez-moi le sénile.
-  Derechef ! Chef ?
-  Pronto, Poireau ?
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
   Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
   Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
   Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits.


La petite loupiote de son bracelet électronique passe du rouge au vert et c'est un peu plus détendu qu'il s'éloigne vers la mare.



A suivre...




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commentaires

S
<br /> té un dingue!<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Cela se lit sans faim vraiment.<br /> <br /> <br />
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P
<br /> 'tain... c'est une sacrée super sale affaire... moooOOOOOOoooorte de rire ;o))<br /> <br /> <br />
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